Malgré les sanctions canadiennes, le GB Group prend le trône d’AmCham
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Malgré les sanctions canadiennes, le GB Group prend le trône d’AmCham
Par la rédaction de Réalité Info
Alors que la communauté internationale tente péniblement d’enrayer la spirale de violence et de corruption qui mine Haïti, un fait troublant vient illustrer une fois de plus l’impunité et la connivence entre certains secteurs économiques et les forces de désordre : le Groupe Bigio, dirigé par la famille la plus riche et la plus controversée du pays, continue de trôner au sommet des sphères de pouvoir économique. La confirmation en est venue récemment avec la publication de la composition du nouveau Conseil d’Administration de l’AmCham Haïti (Chambre de Commerce Américaine en Haïti) pour la période 2025–2027.
Selon le document officiel signé par Erika Rosenthal, Directrice exécutive de l’organisation, Mme Andress Appolon, cadre du GB Group, a été nommée présidente de ce conseil d’administration. Cette décision intervient dans un contexte où Gilbert Bigio, fondateur de ce même conglomérat, est sous le coup de sanctions internationales, notamment du Canada, qui l’accuse de soutenir financièrement des gangs armés, de blanchiment d’argent et de corruption systémique.
Comment expliquer que dans un pays en ruines, ravagé par les gangs, la pauvreté et la perte totale de confiance envers les institutions, le groupe d’un homme accusé de complicité avec des criminels puisse continuer de siéger à la tête d’une institution aussi influente que l’AmCham ? Cette nomination certes légale est profondément immorale et démontre l’emprise des puissances économiques sur les structures qui devraient pourtant œuvrer à la transparence et au redressement du pays.
Loin d’être un simple symbole, cette désignation reflète une réalité crue : les élites économiques qui profitent du chaos sont rarement inquiétées, et encore moins écartées. Que Mme Appolon, bras exécutif du GB Group, soit propulsée à la présidence du Conseil d’une chambre censée promouvoir l’éthique des affaires, constitue une gifle à la société haïtienne.
Ni un mot, ni une réserve, ni même une reconnaissance des préoccupations légitimes exprimées par la société civile haïtienne ou par la communauté internationale : AmCham semble s’être réfugiée dans une opacité arrogante, alignée sur des intérêts privés au détriment de toute notion de responsabilité.
Il est utile de rappeler que le Canada n’a pas imposé ses sanctions à la légère. Elles reposent sur des enquêtes sérieuses menées par le gouvernement canadien, qui accuse formellement Gilbert Bigio d’avoir soutenu financièrement les groupes armés qui déstabilisent le pays. Maintenir le GB Group dans les hautes sphères d’influence revient à normaliser l’illégalité, à banaliser le soutien aux gangs et à diluer la frontière entre la légalité économique et la criminalité.
La composition du conseil d’administration de l’AmCham pour 2025–2027 se lit comme un manifeste de l’élite entrepreneuriale haïtienne : on y retrouve des figures issues de grandes entreprises comme Epower, Cap Terminal, Alternative Insurance Company, Plastech et Comme Il Faut, toutes connues pour leur poids dans le tissu économique haïtien. Mais derrière ces noms respectables se cache une dure vérité : aucun de ces membres ne s’est publiquement distancié des sanctions qui touchent l’un des leurs.
En nommant Mme Appolon, AmCham envoie un message clair : les intérêts économiques priment sur l’éthique, la dignité du peuple haïtien, et même sur les normes internationales.
Et maintenant ?
La société civile, les jeunes professionnels, les voix indépendantes ne peuvent plus rester silencieux face à ce type de provocation. Il ne s’agit pas simplement de dénoncer, mais d’appeler à une refondation morale de la gouvernance économique en Haïti. Les institutions doivent rompre avec les vieilles alliances mafieuses, poser des gestes courageux, et oser exclure de leurs cercles ceux dont les noms riment avec sang, peur et profit illicite.
Haïti ne pourra pas renaître si ses institutions économiques continuent d’être le théâtre des puissants compromis et des complicités honteuses. Cette nomination est une opportunité manquée de tourner la page de l’impunité — mais c’est aussi un signal d’alarme que la société haïtienne doit transformer en mobilisation.