Le Niger rompt avec la langue du colon : quand Haïti attend encore son réveil linguistique
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Le Niger rompt avec la langue du colon : quand Haïti attend encore son réveil linguistique
Port-au-Prince – Alors que le Niger vient de reléguer le français au rang de langue de travail, consacrant le haoussa comme langue nationale, Haïti, berceau de la liberté noire, continue de s’enliser dans un héritage linguistique colonial. Le 26 mars dernier, le régime militaire nigérien a acté cette décision historique dans sa nouvelle « Charte de la refondation », affirmant son identité linguistique et politique. Pendant ce temps, en Haïti, le français – langue d’à peine 5 % de la population – reste encore le pilier officiel du pouvoir, de l’éducation et de l’administration.
Les études internationales sont formelles : les enfants apprennent mieux lorsqu’ils étudient dans leur langue maternelle. Cela favorise non seulement la compréhension des concepts de base, mais aussi l’expression, la créativité, et la réussite scolaire. Pourtant, en Haïti, des milliers d’écoliers sont contraints de suivre des cours, lire des manuels et passer des examens en français — une langue qu’ils ne parlent ni à la maison, ni dans leur quotidien.
Résultat ? Une école à deux vitesses. D’un côté, une minorité privilégiée francophone. De l’autre, la majorité des enfants, créolophones, qui décrochent, échouent ou finissent par abandonner. L’exclusion linguistique est l’un des visages les plus discrets mais destructeurs de l’injustice sociale haïtienne.
Dans les administrations publiques comme dans les bureaux privés, le français règne toujours en maître. Il est la langue des réunions, des rapports, des correspondances officielles, même lorsque tous les participants sont créolophones. Le créole, pourtant parlé par 100 % des Haïtiens, est relégué à l’informel, souvent perçu comme une langue de « seconde zone ». Une aberration.
Comment peut-on aspirer à une gouvernance inclusive, à une éducation de qualité et à une démocratie solide, quand la langue du peuple est constamment méprisée par l’État lui-même ?
L’exemple du Niger, comme celui du Mali et du Burkina Faso, devrait pousser Haïti à se remettre en question. Ces pays, pourtant aussi marqués par l’histoire coloniale, ont eu le courage de reprendre possession de leur voix, de leur culture, de leur dignité.
Haïti doit, elle aussi, oser affirmer sa souveraineté linguistique. Cela passe par :
La reconnaissance pleine et entière du créole comme seule langue officielle et de travail ;
La réforme du système éducatif pour enseigner d’abord dans la langue maternelle ;
L’élimination du français, de l’anglais et de l’espagnol comme langues imposées dans les examens officiels.
Il ne s’agit pas de rejeter les langues étrangères, mais de les apprendre comme outils secondaires, et non comme socles de notre instruction ou de notre gouvernance.
Car un peuple qui ne parle pas sa langue, qui ne pense pas dans sa langue, est un peuple condamné à vivre dans l’ombre des autres.
Alors, à quand une Haïti qui parle enfin avec sa propre voix ?
La rédaction.
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