Haïti : fin du mandat du CPT, une exigence nationale face aux dérives de l’ingérence diplomatique

Haïti : fin du mandat du CPT, une exigence nationale face aux dérives de l’ingérence diplomatique
Lors d’une allocution prononcée à la Villa d’Accueil, le mardi 16 décembre 2025, l’ambassadeur du Canada en Haïti, André François Giroux, s’exprimant au nom du corps diplomatique, a rappelé que le mandat du Conseil présidentiel de transition (CPT) prend fin le 7 février 2026. Il a exhorté le CPT à se limiter strictement à ses missions prioritaires, rétablissement de la sécurité et organisation des élections, sans s’engager au-delà de ce cadre. Une position identique a été exprimée le même jour par l’ambassadeur de France, Antoine Michon.
Sur le fond, le rappel de l’échéance constitutionnelle du 7 février 2026 ne saurait être contesté. Il est légitime d’affirmer que le Conseil présidentiel de transition, tout comme le gouvernement en place, doivent effectivement quitter le pouvoir à cette date. Cette exigence relève d’un principe clair : la transition ne peut être ni prolongée indéfiniment ni transformée en pouvoir permanent. À ce titre, l’attachement au respect du calendrier annoncé constitue une position nationale défendable et nécessaire.
Cependant, si l’objectif peut faire consensus, la méthode et l’origine du discours posent un problème de fond. Le rappel public et appuyé de cette échéance par des ambassadeurs étrangers soulève la question de l’ingérence dans les affaires internes d’Haïti. La détermination du cadre politique, du calendrier institutionnel et des responsabilités des autorités de transition relève exclusivement de la souveraineté haïtienne, du débat interne et de la volonté du peuple haïtien, non de prises de position diplomatiques extérieures.
Le rôle d’un ambassadeur, dans un État souverain, est d’entretenir des relations bilatérales, de favoriser la coopération et de représenter les intérêts de son pays dans le respect strict des institutions locales. Il ne saurait consister à fixer publiquement des lignes politiques, à rappeler des échéances de pouvoir ou à donner des injonctions, même indirectes, à des autorités nationales. Une telle posture brouille la frontière entre accompagnement international et intervention politique.
Dans le contexte haïtien, marqué par une histoire lourde d’ingérences étrangères, ces déclarations ravivent un malaise profond au sein de l’opinion publique. Elles donnent l’impression que les décisions majeures concernant l’avenir politique du pays continuent de se discuter ou de se valider en dehors des cadres nationaux, fragilisant davantage la légitimité des institutions de transition.
Ainsi, il convient de distinguer clairement deux principes complémentaires mais distincts : d’une part, l’exigence légitime que le CPT et le gouvernement quittent le pouvoir le 7 février 2026 ; d’autre part, le refus tout aussi ferme que cette exigence soit formulée, encadrée ou imposée par des représentants étrangers. La transition haïtienne doit être conduite, évaluée et conclue par les Haïtiens eux-mêmes.
À l’approche de cette échéance cruciale, le véritable enjeu n’est donc pas seulement le départ des autorités de transition, mais aussi la réaffirmation de la souveraineté politique d’Haïti. Une souveraineté sans laquelle aucune transition, aussi bien intentionnée soit-elle, ne pourra produire une stabilité durable et crédible.
Bénita Ortelus / Réalité Info


