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Pouvoir politique en Haïti : entre illusion de souveraineté et réalités d’influence, l’analyse de Abner Coeurcimus

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Pouvoir politique en Haïti : entre illusion de souveraineté et réalités d’influence, l’analyse de Abner Coeurcimus

Par Me Abner COEURCIMUS, avocat, Mastérant en droit des affaires

La question du pouvoir politique en Haïti demeure l’un des enjeux les plus sensibles du débat public national. Dans l’opinion comme dans les cercles intellectuels et diplomatiques, une interrogation persiste : qui gouverne réellement le pays ? Les autorités élues, les élites économiques, la communauté internationale, les organisations multilatérales ou encore les groupes armés qui contrôlent certains territoires ?

Dans l’imaginaire collectif, les dirigeants haïtiens incarnent l’autorité officielle. Pourtant, une perception largement partagée laisse entendre que les véritables centres de décision se situeraient ailleurs. Cette lecture du pouvoir n’est pas nouvelle. Elle s’inscrit dans une trajectoire historique marquée par l’instabilité chronique, la dépendance économique et les ingérences étrangères.

Depuis l’Indépendance de 1804, Haïti peine à consolider un État pleinement souverain. Les divisions sociales et politiques héritées de la période coloniale ont profondément fragilisé la construction institutionnelle. Ces clivages ont nourri les rivalités internes et entravé la stabilité politique durable.

Dès le XIXᵉ siècle, le pays a dû composer avec de lourdes pressions extérieures : dette imposée, menaces d’intervention, contraintes économiques. L’occupation américaine de 1915 à 1934 symbolise l’un des épisodes les plus marquants de cette perte de contrôle sur les décisions nationales.

Après la chute de la dictature en 1986, l’influence internationale sur la vie politique haïtienne s’est intensifiée. Elle s’est encore accrue après le séisme de 2010, avec la présence massive d’organisations internationales, d’ONG, d’institutions multilatérales et de bailleurs de fonds.

Le Core Group est aujourd’hui perçu par une frange importante de la population comme un véritable centre de décision parallèle. Son poids présumé dans les processus électoraux, les nominations et certaines orientations politiques alimente l’idée d’une souveraineté limitée.

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Le champ politique haïtien est également dominé par de puissants intérêts économiques. Une minorité d’acteurs contrôle les secteurs stratégiques de l’économie : importations, banques, concessions publiques, industries clés. En parallèle, les groupes armés imposent leur pouvoir sur plusieurs zones du territoire, contrôlent des axes routiers vitaux et infiltrent parfois les institutions.

Pris en étau entre l’oligarchie économique, l’insécurité armée et la pression internationale, les dirigeants haïtiens disposent d’une marge de manœuvre particulièrement étroite. Le pouvoir apparaît dès lors fragmenté, négocié et soumis à des rapports de force permanents.

Qualifier les politiciens haïtiens de simples « marionnettes » de l’international serait une lecture simpliste. Ils ne sont ni totalement dépourvus de pouvoir, ni pleinement souverains. Ils évoluent dans un système de gouvernance fortement contraint, où chaque décision résulte d’un équilibre instable entre pressions internes et influences externes.

Les responsables politiques posent des actes, prennent des orientations et élaborent des stratégies. Mais ces choix s’exercent dans un environnement dominé par la dépendance, l’insécurité et la fragilité institutionnelle.

Reprendre le contrôle du destin national suppose des réformes profondes : la reconstruction d’un État fort et crédible, la modernisation des institutions, l’assainissement de la gouvernance, la réduction de la dépendance économique vis-à-vis de l’extérieur, ainsi que l’émergence d’une classe politique responsable et résistante aux pressions.

Une vision nationale mobilisatrice, impliquant la société civile, la jeunesse et les élites, demeure indispensable pour sortir durablement de la crise de légitimité et de souveraineté.

Ce n’est qu’à ce prix que les dirigeants haïtiens pourront cesser d’être des gestionnaires sous influence pour devenir de véritables bâtisseurs de l’avenir national.

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