Crise au CEP : les membres des BEC et BED réclament 38 mois d’arriérés et menacent de bloquer les élections
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Crise au CEP : les membres des BEC et BED réclament 38 mois d’arriérés et menacent de bloquer les élections
Par Mamitha Louisy
Port-au-Prince, 10 juillet 2025
Alors que le pays s’apprête à relancer son processus électoral, une menace sérieuse plane : des centaines d’ex-agents électoraux non rémunérés depuis plus de trois ans dénoncent ce qu’ils qualifient de mépris institutionnalisé. Réunis au sein du regroupement BEC d’Haïti, ces anciens membres des Bureaux Électoraux Communaux (BEC) et Départementaux (BED) lancent un cri d’alarme : pas de paiement, pas d’élection.
Ce jeudi 10 juillet 2025, à Delmas, le BEC d’Haïti a convoqué la presse pour exposer une situation qu’il juge « injuste, inacceptable et dangereuse ». À travers une lettre officielle adressée à la presse écrite, audiovisuelle et en ligne, les membres du regroupement ont dénoncé 38 mois de travail non rémunérés, alors qu’ils ont été dûment recrutés par le Conseil Électoral Provisoire (CEP) à la suite d’un concours national en 2021.
« Nous saluons les 447 membres des BEC à travers les 59 communes et les 22 membres des BED présents dans les 11 départements. Aujourd’hui, nous sollicitons la presse pour dénoncer le traitement abusif que nous subissons de la part du CEP dirigé par M. Patrick Saint-Hilaire », a déclaré Jules Pierre Arguy FRANÇOIS, porte-parole du regroupement et ancien membre BED de Cavaillon.
Selon les intervenants, chaque commune comptait trois membres du BEC, et chaque département trois membres du BED, pour un total de 469 agents électoraux recrutés officiellement. Ceux-ci affirment avoir reçu uniquement 13 mois de rémunération, alors que le contrat initial, bien que censé s’achever en septembre 2021, a été tacitement reconduit par les autorités successives.
« Le CEP a continué à utiliser nos services, notamment pour évaluer les bureaux électoraux et préparer le référendum constitutionnel. Or, à ce jour, nous n’avons jamais été révoqués ni indemnisés. Cela constitue une violation grave de nos droits », a insisté Jules Pierre Arguy FRANÇOIS.
De son côté, David WILDE, président du BEC d’Haïti, a rappelé que les agents disposent de preuves matérielles de leur engagement : téléphones, ordinateurs, motos, outils logistiques fournis par l’État dans le cadre de leurs fonctions.
« Nous avons été payés deux fois : une première fois en février 2023, une seconde en septembre 2024. Depuis, plus rien. Nous avons engagé un cabinet d’avocats pour faire valoir nos droits. Le CEP refuse tout dialogue, toute reconnaissance officielle », a-t-il affirmé.
Face à cette impasse, les membres du BEC d’Haïti annoncent une riposte ferme si leurs revendications ne sont pas satisfaites dans les plus brefs délais.
« Si nous ne sommes pas payés, nous empêcherons la tenue des prochaines élections. Nous avons encore le contrôle sur les BEC à travers le pays. Sans nous, aucune élection ne pourra se dérouler normalement », ont-ils martelé.
Ils envisagent également des actions de mobilisation devant les locaux du CEP, de la Primature, ainsi que des démarches auprès d’organisations internationales comme l’OEA, la CARICOM ou le BINUH.
Au-delà de la revendication salariale, ces agents affirment avoir été utilisés par l’État, puis abandonnés sans explication.
« Nous avons assumé nos fonctions avec dévouement. Aujourd’hui, nous sommes traités comme des invisibles. Pourtant, nous sommes des professionnels qualifiés, recrutés légalement pour servir la République », a soutenu Louis JORCELYN, ancien membre BEC de Coteaux.
Les signataires de la lettre, Bichel PETIT-MAÎTRE (Croix-des-Bouquets), Jules Pierre Arguy FRANÇOIS (Cavaillon) et Louis JORCELYN (Coteaux), appellent à une résolution rapide de cette crise, sans quoi le pays pourrait faire face à une paralysie électorale totale.
Le gouvernement et le CEP sont désormais sous pression. Le respect des droits contractuels de ces anciens agents électoraux pourrait bien conditionner la tenue ou non des prochaines élections en Haïti.
« Le pays ne peut pas avancer dans l’organisation d’élections crédibles sans régler cette dette politique et morale envers ceux qui ont contribué à bâtir le processus électoral », concluent les représentants du BEC d’Haïti.